Introduction
En ce qui concerne la technique de la main gauche, l’approche des guitaristes français ne semble pas se démarquer des pratiques d’exécution en vogue tant chez les autres guitaristes que chez les interprètes d’autres instruments à cordes. Par exemple, la conception de l’action de la main gauche chez plusieurs guitaristes fait clairement référence à l’univers du violon. Pour notre étude de la technique de la main gauche, les partitions du compositeur et éditeur Charles Doisy ont été de première importance. En tête du catalogue qui accompagne ses partitions, on peut lire : « Dans toute la musique de Doisy, les positions et le doigter [sic] sont presque toujours indiqués. » [1] Bien que ce type de message promotionnel orne les pages de titre de plusieurs éditeurs, la rhétorique commerciale ne trouve pas souvent écho dans les partitions elles-mêmes. Au contraire, Doisy prend un soin méticuleux à noter les doigtés de main gauche. Étant donné l’importance de la méthode de Doisy à son époque, nous croyons que son approche de la technique a exercé une influence sur plusieurs guitaristes. De plus, les prescriptions de Doisy concordent largement avec celles de ses collègues guitaristes.
Il est d’abord nécessaire de faire état d’une prescription que l’on retrouve très souvent dans les méthodes de guitare. Au début de notre période, voici comment Pierre Joseph Baillon formule cette recommandation : « Lorsqu’il y a plusieurs doigts de la main gauche employés dans un accord ou arpègement, il faut les poser tous ensemble et ne pas quitter tant que l’accord continue. » [2] En 1801, Doisy réitère le conseil : « Il faut placer [les doigts de la main gauche] au milieu des câzes [sic], les maîtriser, et ne les lever qu’à propos. » [3] Les doigts de la main gauche ne doivent donc exécuter des mouvements que lorsque cela est nécessaire. Cette façon de concevoir la gestuelle de manière économique correspond à un besoin de stabiliser la posture le mieux possible. Comme nous l’avons vu précédemment, la main gauche est responsable d’une partie substantielle du soutien de l’instrument. Or, il est beaucoup plus facile de garder l’équilibre lorsque les doigts de la main gauche appuient sur les cordes. Cette remarque s’applique également au jeu en arpèges, où il faut garder les doigts sur les cordes même si la notation semble indiquer le contraire.